Québec – 27 mars 2025. Après analyse du Budget 2025 présentant un nouveau déficit record, la Coalition Québec meilleure mine déplore le manque de courage du gouvernement du Québec d’augmenter les redevances minières sur l’or, d’augmenter la tarification la pollution de l’exploitation minière, de maintenir le régime des actions accréditives qui légalise l’évitement fiscal minier, en plongeant davantage dans le gouffre des dépenses liées aux minéraux critiques et stratégiques sans mesurer de retour concret sur ces investissements, en accordant davantage de millions pour accélérer la « délivrance » des permis environnementaux et en réservant des miettes pour la protection de l’environnement.
Occasion manquée de hausser les redevances minières
- Si le gouvernement indique vouloir soutenir « les entreprises en difficulté en raison des tensions commerciales », il manque une rare occasion d’exiger davantage de la part des compagnies minières dont les valeurs mobilières refuges tirent outrageusement profit de l’incertitude des marchés boursiers, comme l’or et d’autres minéraux traditionnels.
- L’or cartonne à des sommets boursiers historiques. Le gouvernement du Québec aurait dû appliquer une hausse importante des redevances minières sur ce métal de luxe qui n’est ni classé comme critique ou stratégique. Appliquée avec précision, une telle mesure ne menacerait pas la viabilité des emplois dans le secteur minier.
- Une augmentation des redevances devrait également s’appliquer à l’exploitation des minéraux critiques et stratégiques. Année après année, cette filière reçoit d’immenses subventions pour toutes les étapes préalables à l’exploitation. Il est donc fiscalement responsable d’exiger de l’industrie un retour bonifié sur les investissements de l’État qui ont rendu l’exploitation de ces projets viables.
- Le Budget 2025 ne prévoit aucune redistribution des redevances pour les communautés autochtones et locales. L’idée que les mines vont « favoriser les retombées économiques auprès des communautés d’accueil » ne repose sur rien d’autre que la théorie indirecte du ruissellement et le versement de commandites par les minières.
Manque de courage pour taxer la pollution minière
- Alors qu’il affiche un déficit record pour une deuxième année consécutive, le gouvernement du Québec abdique à renflouer ses coffres en faisant payer les pollueurs pour leurs impacts sur l’environnement et la santé publique
- Dans le secteur minier, aucune hausse n’est prévue pour la tarification de la génération de déchets miniers, la destruction de milieux humides et hydriques ou le prélèvement d’eau douce
- Avec courage, précision et consultation, de telles mesures pourraient être appliquées aux entreprises minières qui exploitent les ressources naturelles non renouvelables du patrimoine québécois et des peuples autochtones sans menacer leur rentabilité ni les emplois des travailleur·euse·s.
Actions accréditives : maintien de la légalisation de l’évitement fiscal minier
- Le gouvernement du Québec choisit de maintenir son controversé régime d’actions accréditives qui enrichit l’industrie minière en permettant aux contribuables (particuliers et entreprises) d’éviter de payer de l’impôt en investissant dans l’exploration minière. Ce système complexe profite largement aux individus les plus fortunés du Québec et ne fait qu’augmenter le capital des compagnies d’exploration minière dont les travaux échappent complètement aux évaluations environnementales, tout en privant l’État de centaines de millions de dollars.
- Dans son budget, le gouvernement du Québec présente le retrait de « déductions additionnelles » qui permettaient de déduire jusqu’à 120% des dépenses et le retrait de bonus liés aux gains en capital comme des « économies » de 144 M$ / 5 ans. Il s’agit en fait que d’une mince partie des cadeaux offerts à de richissimes individus et compagnies qui investissent dans l’exploitation de la planète. De véritables « économies » seraient réalisées en abolissant carrément le régime des actions accréditives. L’argent ainsi « épargné » pourrait être investi de manière positive et ciblée dans certains programmes ou projets liés ou non à l’industrie minière, plutôt que d’échapper complètement à la discrétion de l’État.
- Preuve que ces changements sont insignifiants, le Budget affirme que le régime québécois des actions accréditives va « se maintenir parmi les aides les plus compétitives au Canada »
Le gouffre sans fond des minéraux critiques et stratégiques (838 M$ / 5 ans)
- 604 M$ / 5 ans | « Optimiser l’aide fiscale aux entreprises en ciblant les activités du secteur des TI à plus forte valeur ajoutée et en recentrant le crédit d’impôt relatif aux ressources sur les minéraux critiques et stratégiques »
- 107 M$ / 5 ans | un deuxième plan quinquennal sur les minéraux critiques et stratégiques, une évaluation ferroviaire pour exploiter davantage la fosse du Labrador et un projet visant l’exploitation de résidus amiantés, même si l’amiante est cancérigène et n’est pas un minerai critique ou stratégique
- 27 M$ / 4 ans | Des crédits d’impôts bonifiés de 20% à 45% jusqu’en 2029 « pour les travaux concernant les MCS ». Ces taux sont deux fois plus généraux que pour les autres minéraux.
- 100 M$ / 5 ans | Davantage de postes de dépenses sont désormais admissibles pour les déductions fiscales des compagnies minières. Au lieu de se limiter aux dépenses liées à l’exploration minière, le gouvernement ouvre les vannes des crédits d’impôts aux « frais liés à la mise en valeur des ressources minières », qui se chiffrent en centaines de millions de dollars. Aucune autre province canadienne n’offre un tel bonbon. La Colombie-Britannique est la seule autre juridiction à offrir un crédit d’impôt similaire, mais celui-ci s’applique uniquement aux dépenses en exploration minière. Pour les compagnies juniors opérant « sur le territoire du Plan Nord », le crédit d’impôt offre dorénavant « une aide fiscale plus de 50 % supérieure à l’aide actuelle ».
- Dans le contexte où le président des États-Unis menace la souveraineté du Canada pour s’emparer de ses ressources minérales, des mesures concrètes doivent être prises pour éviter que l’argent investi par le gouvernement du Québec dans le développement de la filière des minéraux « critiques et stratégiques » ne profite au marché américain, qui demeure présentement l’un des principaux marchés d’exportation du Québec.
- (En bonus : 10,2 G$ / 5 ans | Le gouvernement annonce que le prochain plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte 2030 augmentera ses investissements de 200 M$ par rapport au premier exercice. Aucun détail n’a été révélé sur les postes de dépenses, mais il permit d’envisager qu’une part importante sera consacrée à la filière des minéraux critiques et stratégiques.
Des miettes pour la protection de l’environnement (39,6 M$ / 5 ans)
- 39,6 M$ / 5 ans | Moins de 10 M$ par année investis pour « accroître les efforts de protection de l’environnement et de la biodiversité ». Ces sommes sont liées à l’embauche d’agents de protection de la faune, de travaux sur des puits d’hydrocarbures qui devraient être payés par l’industrie fossile et à la protection d’une seule espèce animale, le saumon de l’Atlantique. Une enveloppe dérisoire qui correspond à moins de 5 % des investissements dans l’augmentation de l’exploitation des minéraux « critiques et stratégiques ». Aucune somme additionnelle n’est dédiée à la création d’aires protégées alors qu’un important chantier social est en cours. Le gouvernement valorise la protection d’une techno-économie évacuant du portrait les écosystèmes, les animaux, les fleuves et les aires protégées.
Des millions pour accélérer la « délivrance » des permis
- 62,8 M$ / 5 ans | Le gouvernement continue de dépenser pour « accélérer la délivrance d’autorisations environnementales ». Aucune somme n’est toutefois prévue pour assurer le suivi ou le respect des autorisations environnementales. Les prévisions semblent conservatrices puisqu’il est uniquement question de « maintenir » ou « reconduire les effectifs nécessaires à l’étude environnementale », notamment en « prolongeant » les investissements au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
- Ces sommes ne visent cependant pas la protection de l’environnement en premier lieu puisqu’elles font partie d’un ensemble plus large de 3,5 G$ visant à « appuyer la réalisation de projets d’investissement » du gouvernement, incluant de multiples projets miniers.
Les priorités du gouvernement à travers les portefeuilles des ministères
- 1 M$ cette année | Le portefeuille du Ministère de l’environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) n’augmentera que de 0,04% en comparaison avec l’année financière qui vient de finir. Nous prédisons que sans moyens additionnels, le MELCCFP continuera d’être incapable d’assurer les suivis et les inspections des sites miniers et d’appliquer des sanctions en cas d’infractions.
- 74 M$ cette année | En comparaison, le Ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) voit son portefeuille augmenter de 74 M$. La principale mission de ce ministère est de favoriser l’exploitation minière, ce qui porte directement atteinte à l’environnement.
Constats
- Le mot « minier » apparaît 12 fois dans le Budget 2025, soit trois fois plus que dans le précédent Budget. Ce mot était écrit 29 fois dans le Budget 2022, 17 fois dans le Budget 2021.
- Les termes « minéraux critiques et stratégiques » ou « MCS » apparaissent 48 fois dans le Budget 2025 et sont accompagnés de centaines de millions de dollars d’investissement.
- Le mot « recyclage » apparaît trois fois dans le Budget 2025, mais sans qu’aucun investissement dédié ne soit lié à ce concept. Le terme « économie circulaire » figure deux fois dans le Budget 2025, dont une fois en lien avec le secteur touristique. L’autre occurrence fait référence à un indicateur de performance pour des mesures passées et ne fait donc pas l’objet de nouveaux investissements ciblés. Ces mots étaient absents du Budget 2024. Ils appairaissaient 26 fois dans le Budget 2020, 9 fois dans le Budget 2021 et une seule fois dans le Budget 2022.
Citation :
« Nouveau déficit record pour un gouvernement qui abdique devant l’idée d’augmenter les recettes de l’État en ciblant les secteurs de l’industrie minière qui profitent le plus de la conjoncture économique et géopolitique en faveur de l’idéologie dominante et son leitmotiv « toujours plus de mines » pour régler toute crise sur notre chemin. Il est possible d’investir dans nos services sociaux et soutenir l’économie des régions dites ressources en haussant et distribuant mieux les redevances minières sans menacer les emplois des travailleur·euse·s », Rodrigue Turgeon, avocat, co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine et coresponsable de MiningWatch Canada