Projet minier de terres rares Strange Lake | Commentaires sur les versions provisoires des Lignes directrices de l'étude d'impact et du Plan de participation du public

TÉLÉCHARGER LES COMMENTAIRES SUR LES VERSIONS PROVISOIRES DES LIGNES DIRECTRICES DE L’ÉTUDE D’IMPACT ET DU PLAN DE PARTICIPATION DU PUBLIC DE QUÉBEC MEILLEURE MINE ET DE MININGWATCH CANADA ICI (23 septembre 2024) : 2024-09-23 QMM_MWC – Commentaires – Projet Strange Lake – Lignes directrices et Plan de participation

[PAR COURRIEL]

Le 23 septembre 2024

Agence d’évaluation d’impact du Canada
Évaluation du Projet minier de terres rares Strange Lake
901-1550, avenue d’Estimauville
Québec (Québec) G1J 0C1
Téléphone : 418-649-6444
StrangeLake@iaac-aeic.gc.ca

OBJET : COMMENTAIRES SUR LES VERSIONS PROVISOIRES DES LIGNES DIRECTRICES INDIVIDUALISÉES RELATIVES À L’ÉTUDE D’IMPACT ET DU PLAN DE PARTICIPATION DU PUBLIC DU PROJET MINIER DE TERRES RARES STRANGE LAKE DE TORNGAT METALS LTD. DANS LE NORD DU QUÉBEC ET DU LABRADOR

Par la présente, la Coalition Québec meilleure mine et MiningWatch Canada souhaitent vous faire part de nos commentaires concernant les versions provisoires des lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact et du plan de participation du public du projet minier de terres rares Strange Lake de Torngat Metals Ltd. dans le Nord du Québec et du Labrador. Dans sa forme actuelle, et bien que plusieurs éléments restent à clarifier à travers le processus d’évaluation des impacts, nous maintenons que nous ne supportons pas le projet minier à l’étude.

À PROPOS DE NOS ORGANISMES

La Coalition Québec meilleure mine (QMM) et MiningWatch Canada (MWC) visent tous deux à promouvoir des meilleures pratiques et politiques publiques dans le secteur minier sur les plans social, environnemental et économique.

Fondée en 2008, la Coalition Québec meilleure mine regroupe aujourd’hui une trentaine d’organismes qui représentent collectivement plus de 250 000 individus de toutes les régions du Québec. La coalition regroupe des organismes citoyens, des organismes environnementaux, des syndicats, des universitaires et des associations de médecins. Depuis 15 ans, la Coalition QMM a été au cœur des débats touchant le secteur minier et a contribué à sensibiliser les décideurs publics et un large pan de la société québécoise sur plusieurs enjeux qui touchent ce secteur. La Coalition QMM a contribué positivement à redéfinir les politiques publiques dans le secteur minier, notamment la Loi sur les mines, les redevances minières, les mines à ciel ouvert, la filière de l’or, les garanties financières à la restauration, l’encadrement environnemental, l’acceptabilité sociale, les territoires incompatibles à l’activité minière, de même que sur les positions du Québec concernant les filières minérales de l’uranium et de l’amiante, et plus récemment sur les minéraux dits « critiques et stratégiques ». Depuis 2008, les membres de la coalition ont participé à une quinzaine d’évaluations environnementales de projets miniers au Québec, dont une dizaine du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et trois devant l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC). Depuis 2014, QMM est un membre actif du Comité consultatif du ministre des mines du Québec.

Fondé en 1999, MiningWatch Canada regroupe aujourd’hui une trentaine d’organismes membres qui représentent, collectivement, plusieurs centaines de milliers d’individus de partout au Canada. Depuis 20 ans, MWC est devenu un acteur incontournable avec plus de 200 enquêtes, interventions, rapports et actions juridiques sur autant de projets miniers à l’échelle nationale et internationale. Environnement, droits humains, droits autochtones, transparence et imputabilité des entreprises—voilà autant d’enjeux qui justifient les interventions de MWC à l’échelle des communautés comme à celle des politiques publiques. MWC est un membre fondateur du comité aviseur de l’Initiative nationale pour les sites miniers orphelins et abandonnés (INMOA-NOAMI, fédéral/provincial), de même que pour le programme national de Neutralisation des eaux de drainage dans l’environnement minier (NEDEM-MEND). MWC a également été membre du comité aviseur du ministre des mines de l’Ontario, de la réforme fédérale sur les évaluations environnementales et de l’enquête nationale de la Commissaire à l’environnement et au développement durable sur l’application du Règlement fédéral sur les effluents des mines de métaux et de diamants au Canada. MWC a participé à une vingtaine d’actions juridiques, dont quatre à la Cour fédérale et à la Cour suprême du Canada en lien avec des enjeux miniers au pays.

COMMENTAIRES

D’emblée, la Coalition Québec meilleure mine et MiningWatch Canada tiennent à réitérer notre scepticisme face au projet à l’étude. Après avoir pris connaissance de la Description détaillée du projet Strange Lake, notre position initiale partagée à l’Agence d’évaluation des impacts du Canada (AEIC) le 4 décembre 2023 demeure inchangée. Ainsi, dans sa forme actuelle, et bien que de nouveaux développements sont attendus pour clarifier l’évaluation des impacts, le projet minier de terres rares Strange Lake est inacceptable dans sa forme actuelle. Les enjeux sérieux que nous avons identifiés dans notre première série de commentaires en décembre 2023 continuent de nous préoccuper au plus haut point. Nous entendons continuer à jouer un rôle actif dans la procédure en cours devant l’Agence d’évaluation des impacts du Canada (AEIC).

Lignes directrices

Révision de la décision d’exclure de l’évaluation l’usine de séparation de terres rares

Nous avons appris le retrait de l’usine de séparation de terres rares de Sept-Îles du cadre d’évaluation des impacts du projet Strange Lake durant la séance d’information tenue le 5 septembre 2024. En réponse aux questions de la citoyenne de Sept-Îles Madame Louise Gagnon qui déplorait cette décision et demandait de connaître les fondements à l’appui de ce changement, les représentantes de l’AEIC ont mentionné que l’usine n’était pas un projet désigné et qu’elle n’était pas accessoire à la mine. Nous avons exprimé notre intérêt à connaître les arguments appuyant cette décision mais n’avons pas reçu de précisions de la part de l’AEIC depuis.

Au moment de soumettre nos commentaires sur les Lignes directrices, nous demandons donc à l’AEIC de procéder au réexamen de son interprétation de la portée du projet minier Strange Lake. Notre analyse du Règlement sur les activités concrètes et des  critères servant à déterminer si une activité est accessoire inscrits à la section 9 de l’annexe 1 du Document d’orientation provisoire : Guide de préparation d’une description initiale de projet et d’une description détaillée de projet nous mènent à soutenir que l’usine de séparation de terres rares projetée à Sept-Îles et le transport du minerai entre le site minier jusqu’à l’usine sont des éléments qui ne sont pas seulement accessoires mais bien intrinsèques et indissociables du projet minier Strange Lake. De plus, nous sommes d’avis que le processus d’évaluation provincial à lui seul n’est pas apte à évaluer les effets potentiels du projet sur les domaines de compétences fédérales. En conséquence, nous estimons que l’interprétation de l’AEIC voulant que l’usine de séparation de terres rares de Sept-Îles ne fait pas partie de la portée de l’évaluation d’impact fédérale du projet proposé par Torngat Metals est déraisonnable et doit être revue.

Contrôle de l’écoblanchiment

Les lignes directrices devraient exiger de la part du promoteur une déclaration de conformité à la Loi sur la concurrence.

Le fait que la compagnie Torngat Metals cherche à se positionner comme étant exemplaire sur le plan de la responsabilité environnementale et climatique avant même la réalisation de son étude d’impact soulève de sérieuses questions d’ordre juridique. Plus particulièrement, la question se pose à savoir si certaines affirmations du promoteur pourraient se définir comme de l’écoblanchiment et contrevenir aux nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence qui prévoit qu’il est illégal d’annoncer ou de commercialiser quelque chose d’une manière fausse ou trompeuse. Plus particulièrement, certaines mesures visant les « indications environnementales non fondées » pourraient trouver application dans la présentation de la documentation fournie par le promoteur à l’AEIC et certains messages affichés sur son site internet. La Loi sur la concurrence exige en effet que « les indications environnementales au sujet d’une entreprise ou de l’une activité d’une entreprise soient fondées sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthodologie reconnue à l’échelle internationale ».

Conséquemment, les Lignes directrices devraient refléter cette orientation prise par le Bureau de la concurrence de manière à exiger du promoteur que les informations inscrites dans son étude d’impact « soient fondées sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthodologie reconnue à l’échelle internationale ».

Le recours aux ballons dirigeables

Nous sommes hautement préoccupés par l’intérêt du promoteur de retenir un moyen de transport alternatif pour le minerai que ceux évalués dans le cadre de la présente évaluation environnementale. Durant la séance d’information tenue le 5 septembre 2024 organisée par l’AEIC, la représentante de Torngat Metals a en effet mis de l’avant la possibilité d’employer des « ballons dirigeables » pour transporter le minerai entre le site d’extraction du minerai et une destination éventuelle qui, devine-t-on, pourrait être le port sur la côte est du Labrador, à la ville de Schefferville ou même l’usine de séparation de terres rares située à Sept-Îles. Le promoteur s’est engagé durant la rencontre à fournir plus de détails au public à cet effet, mais le site de l’AEIC relatif au projet minier Strange Lake, au moment de rédiger les présents commentaires, ne comprenait aucune précision sur la question.

À notre connaissance, une telle technologie n’est pas actuellement employée par l’industrie minière au Canada pour le transport de minerai sur d’aussi grandes distances. Nous ne connaissons également aucun précédent en matière de transport d’éléments de terres rares (ETR) en pareilles conditions.

Les impacts potentiels sur l’environnement supposés par cette méthode sont considérables. Cet élément a même le potentiel d’être déterminant quant à la décision qui pourrait être prise au terme de l’évaluation du projet minier. Puisque le promoteur a avancé cette possibilité avec suffisamment d’assurance, nous estimons que l’AEIC devrait contraindre le promoteur à répondre aux questions environnementales que soulèvent ce moyen de transport à même l’étude d’impact initiale. L’AEIC doit fermer la porte à la possibilité que le promoteur modifie son projet pour recourir à des ballons dirigeables après que l’évaluation du projet ait été complétée.

De manière non limitative, les lignes directrices devraient donc inclure les questions suivantes concernant le projet de recourir à des ballons dirigeables par le promoteur :

  • La distance parcourue
  • Le nom des fabricants oeuvrant dans ce domaine
  • La capacité des engins (en tonnes)
  • L’autonomie des engins
  • Les sources d’énergie des engins
  • L’altitude visée pour le transport du minerai
  • L’impact de la présence des engins sur le paysage
  • La perturbation sur les habitudes des animaux
  • Les émissions de GES et d’autres contaminants
  • L’analyse du cycle de vie des ballons dirigeables
  • Le nombre de ballons dirigeables envisagé
  • Les conditions climatiques dans lesquelles les engins peuvent et ne peuvent pas opérer
  • Les impacts sur l’environnement et la population en cas d’accident (écrasement du ballon dirigeable, perte de chargement, etc.)
  • La liste des mines en opération dans le monde ayant recours à cette technologie, en précisant depuis combien de temps et les conditions climatiques dans lesquelles elles opèrent, une recension du nombre d’accident et, le cas échéant, les impacts liés à ces accidents

La présence de radionucléides

La présence importante de radionucléides dans le gisement visé, particulièrement celle de thorium (Th-228, Th-230, Th- 232) et d’uranium (U-234, U-235, U-238) ainsi que leurs descendants comme le radon et thoron, entre autres, continue de nous préoccuper grandement. Nous encourageons l’AEIC à resserrer les lignes directrices en veillant à refléter les principes de précaution et de prévention concernant la présence d’ETR dans une optique de protection de l’environnement et de la santé publique. Plus particulièrement, l’ensemble des opérations liées à l’extraction, l’emballage (mise en sacs), le chargement, le transport, le transbordement, le déballement (retrait des sacs), la séparation et l’entreposage des stériles, du minerai et des résidus miniers susceptibles de contenir des ETR devraient être considérées comme dangereuses pour la santé, l’environnement.

Plan de participation du public

D’abord, nous tenons à souligner que la décision de retirer l’usine de séparation de terres rares de Sept-Îles du cadre d’évaluation des impacts du projet Strange Lake porte gravement atteinte à la participation du public. Le projet minier Strange Lake soulève de vives préoccupations dans la ville de Sept-Îles et au sein des communautés innues occupant cette partie du Nitassinan. Même si l’AEIC affirme que leur opinion sera considérée dans un scénario où l’usine de Sept-Îles échapperait au cadre d’évaluation fédéral, nous estimons que cette décision envoie un très mauvais message aux gens qui seront directement affectés par l’évaluation des autres composantes du projet minier Strange Lake.

Par ailleurs, comme nous l’avons proposé pour d’autres projets, nous sommes d’avis que le Plan de participation du public devrait être revu afin d’intégrer des rencontres en personne auprès des gens habitant le milieu visé par le projet. En effet, nous croyons que la meilleure manière de prendre la mesure des impacts proposés par le projet est de transporter les personnes intéressées et le personnel de l’Agence directement sur place. Ces visites sur le terrain, tenues en présence de l’AEIC afin d’assurer la neutralité du processus, devraient précéder la période de commentaires de l’étude d’impact. De telles visites ne sont pas sans précédent. Au Québec, nous savons que l’AEIC s’est déplacée en 2023 en personne sur le site du projet minier Marban à Val-d’Or afin d’obtenir une meilleure connaissance de la réalité du terrain. Bien que certains citoyens étaient présents, cette visite aurait pu être publicisée davantage afin d’inclure les personnes du public intéressées par une telle visite. Toujours au Québec, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a organisé le 28 août 2024 une telle visite sur le site du projet minier Horne 5 à Rouyn-Noranda. La population était alors invitée à faire une visite du site minier à bord d’un autobus durant un avant-midi offerte par le promoteur, en présence des commissaires.

L’éloignement du site minier Strange Lake ne devrait pas constituer un obstacle. Les frais de transport et d’hébergement pour les participant-e-s devraient être assumés par le promoteur.

Une visite devrait également être réalisée à Sept-Îles sur le site du projet de séparation des terres rares, dans l’éventualité où l’AEIC réviserait sa décision de considérer celle-ci comme n’étant pas accessoire au projet minier.

Nous croyons également que le temps offert aux citoyens pour prendre connaissance de la volumineuse documentation n’est pas suffisant pour participer de manière significative au processus d’évaluation. Les informations de nature technique sont présentées de manière complexe. Elles nécessitent donc dans bien des cas des avis externes. Or, les expert-e-s mandaté-e-s ont également besoin de temps pour analyser la documentation et participer de manière pertinente. En conséquence, les périodes de 30 jours pour soumettre des commentaires lors des prochaines étapes de la participation du public devraient au minimum être doublées à 60 jours.

CONCLUSION

Les présents commentaires sont produits dans le cadre de l’évaluation du projet minier de terres rares Strange Lake de Torngat Metals Ltd. dans le Nord du Québec et du Labrador devant l’Agence d’évaluation d’impact du Canada après concertation avec nos membres et partenaires intéressé-e-s à l’évaluation des impacts du projet. Plus particulièrement, nous demandons à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada de revoir les versions provisoires des lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact et du plan de participation du public.

Nous réitérons que dans sa version actuelle, nous considérons que le projet minier de terres rares Strange Lake est inacceptable.

Nous vous remercions à l’avance de l’attention et de la diligence que vous accorderez à notre mémoire et nous vous assurons, par le fait même, de notre pleine et entière collaboration pour toute information complémentaire que vous jugerez pertinente quant aux enjeux du présent dossier.

Salutations cordiales,

Me Rodrigue Turgeon, M.S.V.D., J.D.
Co-responsable du programme national, MiningWatch Canada
Coporte-parole de la Coalition Québec meilleure mine
4, Florence Street, Suite 210, Ottawa, Ontario, K2P 0W7 
www.miningwatch.ca  | www.quebecmeilleuremine.org  

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Pour information:

  • Rodrigue Turgeon, avocat, Coalition Québec meilleure mine et MiningWatch Canada, 819-444-9226, rodrigue@miningwatch.ca
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