Communiqué | Budget 2024 du Québec : un demi-milliard arbitraire pour les minières et quasiment rien pour l’environnement

TÉLÉCHARGER LE COMMUNIQUÉ ICI : 2024-03-13 Budget du Québec 2024 – Réaction QMM

Québec – 13 mars 2024. Les membres de la Coalition Québec meilleure mine déplorent le favoritisme arbitraire accordé à l’industrie minière dans le Budget 2024 sans contrepartie décente pour la protection de l’environnement face aux impacts miniers appelés à se multiplier. 

Un demi-milliard arbitraire pour les minières  

  • On trouve relativement peu de programmes d’investissement dans le budget 2024 ciblant l’industrie minière, comparativement aux secteurs de la construction, de la foresterie, cinématographique ou même touristique. 
  • Cependant, un investissement majeur d’un demi-milliard de dollars (500 M$) est prévu pour        « soutenir des projets d’investissement structurants, en appui à la Stratégie québécoise de développement de la filière batterie et au Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 ». Cette somme s’ajoute au milliard de dollars (1 G$) déjà présent dans le « fonds Capital ressources naturelles et énergie ». Depuis 2015, plus de 600 M$ (60% du fonds) ont déjà été investis à même ce fonds au profit d’une vingtaine d’entreprises. 
  • La Coalition Québec meilleure mine est très inquiète du peu de détails entourant les critères d’octroi des sommes de ce fonds. Avec son objectif « de soutenir l’exploitation et la transformation des ressources naturelles, la transition énergétique ainsi que la production d’énergies vertes », il y a fort à craindre que l’argent des contribuables servira à accélérer et encourager le développement de projets miniers qui sont susceptibles d’entraîner de sévères impacts sur l’eau, l’environnement, les droits autochtones et les communautés locales avant ou sans avoir été soumis à des évaluations environnementales ni aux audiences publiques du BAPE. La Coalition QMM lève un drapeau rouge concernant les risques évidents d’écoblanchiment derrière l’utilisation de ce fonds.
  • Ces sommes s’ajoutent aux 18 M$ annoncés en janvier 2024 pour bonifier le Plan de valorisation des minéraux critiques et stratégiques. Le gouvernement continue de multiplier les avantages fiscaux et administratifs offerts aux minières avec l’argent des contribuables du Québec. La Coalition QMM voudrait plutôt voir l’État être ambitieux et financer ce secteur par une application plus rigoureuse du principe pollueur-payeur dans le secteur minier.

Absences et pertes pour l’environnement

  • L’absence d’investissement dans le Budget 2024 saute aux yeux en ce qui a trait à la protection de l’environnement, la restauration du passif minier, la tarification des déchets miniers et des métaux de luxe, l’économie circulaire, la réduction de la consommation des métaux et le contrôle de l’écoblanchiment. Les redevances sur l’eau devraient être haussées beaucoup plus qu’annoncé, comme le révèle notre analyse conjointe avec le Revimat, Eau Secours et MiningWatch Canada. 
  • Baisse de 127 M$ entre 2023-2024 et 2024-2025 dans les dépenses de portefeuille du Ministère de l’environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Investir dans la protection de l’environnement doit être une priorité. Financer davantage le ministère de l’Environnement ne doit pas être perçu comme une dépense mais comme un investissement. C’est en investissant dans sa mission qu’il sera possible d’accroître les revenus perçus notamment via l’imposition de davantage de sanctions administratives et pénales liées aux infractions environnementales commises à répétition dans le secteur minier. 
  • Même si le ministère des Finances reconnaît que « l’industrie touristique contribue à la vitalité des régions et génère des retombées économiques à la grandeur du Québec », aucune mesure n’est prévue pour mettre un frein au boom minier qui menace les zones touristiques et de villégiature. 
  • Aucun investissement pour réduire le passif minier évalué à près de deux milliards de dollars (2 G$) pour les mines actives et abandonnées
  • Pas de renforcement des critères d’investissement de l’État dans les projets miniers (MRNF, Investissement Québec, CDPQ) et aucune mesure pour empêcher l’écoblanchiment dans le secteur minier. L’État a besoin de tels garde-fous pour éviter d’investir aveuglément dans des projets nocifs pour l’environnement et le climat
  • Absence d’investissement dans la surveillance et l’inspection des sites miniers et pas d’augmentation des sanctions en cas d’infractions environnementales
  • Aucune somme mise de côté pour le retrait des titres miniers (claims) qui menacent ou bloquent les projets d’aires protégées 
  • Absence de prise en compte des déficits fiscaux causés par les externalités négatives liées à l’industrie minière (impacts sur l’eau, l’air, les milieux humides, la biodiversité, le climat)
  • Aucune somme n’est prévue pour moderniser les cadres actuels et renforcer la capacité des municipalités, MRC et Nations Autochtones dans la désignation des « Territoires incompatibles à l’activité minière » prévus à la Loi sur les mines du Québec.

Mauvaise lecture de l’apport des minières à court terme

  • Le gouvernement compte sur « le démarrage de nouveaux projets d’envergure dans le secteur minier et dans la filière batterie » pour ramener une croissance de 1,2% en 2024 dans les investissements non résiduels, après la baisse de 0,7% observée en 2023
  • Néanmoins, les projets miniers les plus avancés posent tous de sérieux risques sur l’environnement et pour les communautés locales (nations autochtones ou municipalités). Du nombre, le projet Authier Lithium de Sayona Mining qui menace l’esker St-Mathieu-Berry et divise la population locale n’a toujours pas complété depuis cinq ans ses évaluations environnementales et aucune date n’est prévue pour le début de ses audiences devant le BAPE. La mine Matawinie de Nouveau Monde Graphite qui a reçu son décret d’autorisation en 2021 continue de soulever des divisions au sein de la population locale. Un ou quelques projets avancés de mines de lithium en territoire Eeyou Istchee (Rose Lithium-Tantale, Whabouchi, Galaxy) pourraient débuter leurs opérations dans les prochains mois, mais ils demeurent tous vulnérables financièrement et en raison de l’incertitude sur les marchés entourant la volatilité des prix du spodumène, du carbonate et de l’hydroxyde de lithium. 
  • Il est à craindre que le gouvernement investisse davantage dans des projets mal ficelés qu’il n’en bénéficiera dans un horizon d’un an. 
  • D’autres projets de mines d’or en Abitibi (Marban, Novador) ou de terres rares sur la Côte-Nord (Strange Lake) sont en phase d’évaluation environnementale au fédéral et ne devraient pas entrer en exploitation avant encore plusieurs années
  • Par ailleurs, la mine Renard qui a mis un terme à ses activités en octobre 2023 en raison de son incapacité à être rentable financièrement n’est pas sur le point de repartir, selon le ministre de l’Économie. Le titre boursier de Sayona Mining a récemment perdu 30% de sa valeur, alimentant des craintes au sujet de la viabilité de sa mine North American Lithium située à La Corne en Abitibi. 

Cadeaux pour l’industrie déguisés en faux cadeaux pour l’environnement

  • Investissement de 31 M$ sur trois ans pour favoriser le développement du secteur de l’aluminium (robotisation des entreprises, accroissement des exportations, accélérer l’innovation et la recherche et miser sur l’aluminium vert). Ces dépenses sont réalisées en poursuivant l’objectif d’augmenter l’exploitation des ressources minérales et non pas dans une optique de les réduire.
  • Vive inquiétude concernant les 8,5 M$ investis sur cinq ans pour « optimiser le processus d’autorisation environnementale des projets de développement économique ». Pratiquement aucun détail n’est fourni. La Coalition QMM craint que ces sommes ne soient employées pour accélérer l’approbation des projets miniers soit en continuant de permettre à certains d’éviter les évaluations environnementales comme pour le projet Northvolt ou en réduisant les exigences concernant les études environnementales à réaliser. 

Constat

  • Comme dans le Budget 2020, le mot “minier” apparaît seulement 4 fois dans le Budget 2024, par rapport à 29 fois dans le Budget 2022, 17 fois dans le Budget 2021. En contrepartie, les mots “recyclage” ou “économie circulaire” sont absents du Budget 2024. Ils apparaissaient 26 fois dans le Budget 2020, 9 fois dans le Budget 2021 et une seule fois dans le Budget 2022. 

Citations : 

« Malgré un déficit record, le gouvernement en poste continue de donner arbitrairement des sommes colossales à l’industrie minière et de refuser d’appliquer rigoureusement le principe pollueur-payeur. Ne pas investir maintenant dans la protection de l’environnement contre l’industrie minière ne fait qu’ajouter à la dette des générations futures », Rodrigue Turgeon, avocat, co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine et coresponsable de MiningWatch Canada

« Avec ses 4 rappels sur le démarrage de projets d’envergure, notamment dans le secteur minier et dans la filière batterie, ce budget nous indique clairement que la protection de l’environnement pour ce gouvernement se limite à l’électrification des transports sans regard aux conséquences réelles du développement de l’industrie minière sur les communautés et l’environnement! Nous rappelons qu’une évaluation environnementale stratégique sur cette filiale complète est nécessaire pour éviter d’accroître la surconsommation et la contamination de nos ressources, notamment l’eau, sans réel avantage sur la transition énergétique  », Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours

« A l’aube du dépôt du projet de loi sur la réforme du régime minier promis depuis plusieurs mois, le gouvernement continue de foncer à tombeau ouvert dans sa stratégie d’investissement massif dans la filière des minéraux à batterie sans que ne soient pris en compte  les impacts environnementaux et sociaux de tels investissements. Et ceci alors que les prix de ces minéraux s’effondrent partout sur la planète. Ce n’est pas de bonne augure pour l’environnement, pour les citoyens qui ont de grandes attentes de réforme du régime minier ni pour les finances du Québec », Louis St-Hilaire,  co-porte-parole de la Coalition QLAIM.

« En faisant le choix politique et budgétaire de soutenir à un aussi haut niveau la filière batterie et les minéraux critiques, le gouvernement Legault nous conduit vers une décarbonation de la société qui risque d’être réalisée au détriment du vivant. Ce gouvernement ne semble pas comprendre l’interrelation entre les crises climatique et de la perte de biodiversité, alors qu’il investit dans une filière vouée à répondre qu’à une infime partie de la problématique des émissions de gaz à effet de serre en accélérant au passage la destruction des écosystèmes naturels », Anne-Céline Guyon, Analyste Climat-Énergie, Nature Québec.

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Source : Coalition Québec meilleure mine

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